«Base et sommet, pour peu que les hommes remuent et divergent, rapidement s'effritent. Mais il y a la tension de la recherche, la répugnance du sablier, l'itinéraire nonpareil, jusqu'à la folle faveur, une exigence de la conscience enfin à laquelle nous ne pouvons-nous soustraire, avant de tomber au gouffre. Pourquoi me soucierais-je de lhistoire, vieille dame jadis blanche, maintenant flambante, énorme sous la lentille de notre siècle biseauté ? Elle nous gâche l'existence avec ses précieux voiles de deuil, ses passes magnétiques, ses dilatations, ses revers mensongers, ses folâtreries.
Je m'inquiète de ce qui s'accomplit sur cette terre, dans la paresse de ses nuits, sous son soleil que nous avons délaissé. Je m'associe à son bouillonnement. Par la trêve des décisions s'ajourne quelque agonie.
On ne parle pas de René Char (1907-1988) : on le lit, on le dit, on l'entend, on le voit, tel un tableau de ces peintres, ces alliés substantiels qui l'ont parfois illustré, ou l'un de ces paysages où il s'est enraciné, entre la Sorgue et le Luberon, domaine poétique qu'il a défendu par des mots comme les armes à la main. Tout poète réinvente le langage. Le sien est fait d'alliances inouïes, "lyre pour des monts internés", approfondissant l'entreprise surréaliste jusqu'à l'expérience métaphysique la plus évidente et la plus nécessaire, celle de l'espace et du temps, à l'école d'Héraclite et de Heidegger. Couleur et douleur, soleil et rivière ou pluie, il faut "faire du chemin avec..." <br>Daniel Poirion.
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