L'Enfer réglementé

Resumen del libro

Depuis la libération des camps, de nombreuses théories tentent d'expliquer comment il était possible que des êtres humains participent à l'enfer
concentrationnaire. Un aspect majeur de la détention était jusqu'à présent négligé : l'existence et l'application d'un ensemble cohérent de règlements, arrêtés,
circulaires encadrant minutieusement le quotidien des détenus. Le présent ouvrage met à jour ce matériel jusque-là resté invisible ou mal interprété. Illustré
par l'étude de très nombreuses procédures issues des archives allemandes et de passages empruntés à la littérature de témoignage, l'ouvrage parvient à
montrer l'application des règles et procédures applicables à la correspondance, à la répression disciplinaire ou au travail forcé. Le quotidien du détenu
n'était donc pas caractérisé par l'arbitraire mais se déroulait au contraire principalement conformément à des règles aux caractéristiques spécifiques, comme
l'avait suggéré Hannah Arendt.
L'enjeu de l'ouvrage va au-delà de cette analyse en s'interrogeant sur l'effet produit par cet ordre pseudo-juridique sur les acteurs du camp. Les règles
pouvaient leur apparaître comme justifiées du fait de leur apparence juridique et rationnelle. L'existence et l'application scrupuleuse d'un régime de détention
a ainsi grandement contribué à inhiber le jugement moral des différents acteurs, y compris parmi la hiérarchie des détenus. Cette capacité du droit à
justifier l'injustifiable reste très actuelle : la mise en place dans une situation de coercition de règles précises et sanctionnées peut favoriser l'oppression
en l'organisant et en lui donnant une pseudo-justification. En d'autres mots, la règle permet d'éviter, dans une certaine mesure, la violence gratuite pour
produire une oppression encore plus efficace car apparemment rationnelle, motivée. L'exemple syrien illustre aujourd'hui parfaitement ce mécanisme :
depuis l'interdiction par la communauté internationale de l'utilisation d'armes chimiques par le régime, la destruction du peuple syrien est sortie de l'actualité.
Il semble qu'une guerre, dans la mesure où elle se déroule conformément à certaines règles, paraisse acceptable, peu importe que le nombre de morts
diminue dans la réalité. Face à la juridicisation croissante de nos sociétés, il est urgent de promouvoir une approche critique du droit et de ses effets.